Cadavre sexy – épisode 8 (par Tonie Behar)

Une comédie romantique gratuite à suivre chaque mercredi

 

 

Déboussolée, Clara referma vivement la porte du cabinet du Dr Bloch pour pousser celle du Dr Lebon. Le généraliste était déjà assis derrière son bureau, les cheveux gris soigneusement peignés et le nœud papillon bordeaux vissé au col de sa chemise bleu ciel. Il l’accueillit avec un sourire plein de sollicitude

– Bonjour Clara ! Comment allez-vous mon petit ? Vous êtes toute pâle !

Clara se força à dominer son trouble, mais l’enchaînement infernal des derniers événements avait eu raison de son sang-froid. Entre le bouquet de fleurs, la nuisette Aubade, le chantage à l’ipad de Damien, le dîner apocalyptique au RTS, la demande en mariage avortée, Christian Lechevalier qui lui avait collé les hormones au plafond et le recueil de poèmes de David Bloch, elle avait l’impression d’être dans un Space Mountain émotionnel. Elle poussa un soupir à fendre l’âme.

– C’est-à-dire que… c’est un peu compliqué en ce moment…

Il se leva pour lui prendre le courrier des mains et la fit assoir sur une chaise.

– Mais enfin que se passe-t-il ? On dirait que vous allez tourner de l’œil !

– C’est rien. Ça doit être parce que je n’ai rien avalé depuis hier midi.

Ce qui n’était pas tout à fait vrai, car elle avait bu beaucoup de champagne.

-Ma parole mais vous faîtes une crise d’hypoglycémie ! Quelle idée de s’imposer un régime pareil, vous êtes toute mince ! Ne bougez pas.

Le bon Docteur Lebon se mit à farfouiller dans le tiroir de son bureau. Il en ressortit une petite cuillère et un morceau de sucre. Dans la folie paranoïaque dans laquelle elle se trouvait, Clara se demanda un instant s’il n’était pas en train de lui préparer un shoot d’héroïne. Mais il se contenta de verser quelques gouttes d’alcool de menthe

-Prenez ça, dit-il en lui faisant avaler sa potion comme à une enfant.

Clara croqua le sucre qui avait un agréable goût de Get 27, ce qui lui fit penser aux cocktails improbables qu’elles s’étaient enfilées avec Delphine dans leur adolescence.

-Qu’est-ce qui ne va pas ? Ça fait six mois environ que vous travaillez avec nous, vous vous plaisez ici ? Mes confrères ne sont pas trop odieux ?

-Non ! J’adore mon boulot ! – elle poussa un nouveau soupir – c’est dans ma vie privée que c’est le chaos.

Le Dr Lebon afficha un sourire réjoui

-Mais c’est magnifique le chaos ! Rien de tel qu’un bon chaos pour redistribuer les cartes. Et puis les grands chambardements n’arrivent jamais par hasard. Ça veut dire que votre existence avait besoin de basculer vers autre chose.

-Ah oui mais là, ce n’est plus de la bascule, c’est du rodéo !

-L’important c’est de ne pas subir, mais d’agir. Demandez-vous ce que VOUS voulez. Votre vie va peut-être changer de direction, à vous de savoir où vous voulez aller.

-Merci Docteur.

Au moment où elle quittait la pièce, il lança encore, les épaules secouées d’un rire malicieux et même, lui sembla-t-il, légèrement sadique :

-Veinarde ! Qu’est-ce que je ne donnerais pas pour un bon gros chaos ! Boum ! Un strike comme au bowling !

 

Le téléphone de Clara bipa, annonçant un texto.

«  Ce soir, faudra qu’on parle ».

C’était signé Eric. Oui c’est ça, songea-t-elle, faudra surtout que tu m’expliques tes dîners du mardi et tout ce que tu ne m’as pas dit au RTS. Et si tu me demandes ce que signifiait ma présence dans les toilettes pour hommes hier soir avec Christian Lechevalier, je pourrais toujours te répondre que c’était simplement une erreur de ma part, que j’ai confondu la porte des hommes avec celle des femmes et qu’il ne s’est absolument rien passé.  Ce sera l’exacte réalité, sauf que ce ne sera pas tout à fait vrai. Il s’est passé quelque chose, mais je ne sais pas encore ce que c’est.

 

Il ne lui restait plus que le courrier de Lechevalier à distribuer. Clara tapota sa jupe et se passa une main dans les cheveux. Sa conversation avec Lebon l’avait rassérénée. Après tout qu’importaient les lys et les poèmes, qu’importait Eric, l’important était ailleurs… peut-être dans ce baiser non échangé avec le très sexy chirurgien esthétique.

Elle sourit en voyant la haute silhouette de God himself surgir dans le couloir. Ce mec-là méritait bien son surnom. Il suffisait de l’invoquer pour qu’il apparaisse. Son cœur se mit à battre de façon désordonnée. Est-ce qu’il pensait à la même chose qu’elle ? se demandait Clara en le regardant approcher. Lechevallier marchait droit sur elle, le regard plongé dans le sien, un éclair de connivence brillant au fond de ses yeux verts. Comme la veille, il portait une chemise d’un blanc immaculé sous une veste sombre, son pantalon à la coupe étroite mettait en valeur ses longues jambes. Sans lui donner le temps de se poser plus de question, il l’attrapa par la main et l’entraina vers son bureau avant de verrouiller la porte derrière eux.  Il la plaqua doucement vers le mur et se pencha lentement vers elle. Oui, se dit-elle au moment où leurs lèvres se joignaient, si elle écoutait son envie, elle n’aurait absolument rien désiré de plus que le contact de cette bouche étonnamment douce sur la sienne. Elle ferma les yeux pour savourer son baiser, un baiser commencé sous le signe de la légèreté pour devenir de plus en plus avide et passionné, qui lui arracha un premier soupir de plaisir.

-Mmm… Tu as un goût de Get 27.

Elle laissa tomber les enveloppes et passa ses mains sous la chemise, geste qu’elle brûlait de faire depuis la veille. Ses doigts rencontrèrent une peau lisse, chaude et ferme, sans une once de graisse et ce simple contact l’acheva. Sans cesser de l’embrasser, Lechevalier souleva son pull et caressa légèrement sa poitrine qui débordait du minuscule soutien-gorge de dentelle qu’elle avait choisi en rêvant à lui ce matin.

-C’est bien ce que je pensais, murmura-t-il, elle est parfaite !

C’est alors que quelqu’un eu la très mauvaise idée de frapper à la porte…

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Auteure : Tonie Behar

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Tonie Behar est née à Istanbul, a un passeport italien, un diplôme américain mais  se sent avant tout parisienne. Romancière, spécialiste de la comédie romantique et lectrice compulsive, elle est sujette à des addictions contemporaines pour les séries, les boots à talons, son iPhone et son frigo.
Ses romans : Coups bas et talons Hauts – JC Lattès 2008 et Livre de poche 2010 ; En scène, les audacieuses ! – Michel Lafon 2011 ;  Grands boulevards – JC Lattès 2013 ; Le rap est la musique préférée des français, avec Laurent Bouneau et Fif Tobossi – Don Quichotte 2014 et Points 2016 ; La Sieste (c’est ce qu’elle fait de mieux) – JC Lattès numérique 2015.
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